La métabolomique c’est quoi?
Le métabolome se définit comme l’ensemble des métabolites ces petites molécules que synthétisent, utilisent, transforment et/ou excrètent les êtres vivants. La métabolomique a pour but d’identifier puis de quantifier tous ces métabolites. Lorsque l’on se restreint aux métabolites hydrophobes, notamment les lipides qui sont généralement extraits et analysés avec des méthodes spécifiques, on parle de lipidomique.
Le terme « métabolome » (metabolome en anglais) a été proposé par Oliver et al. en 1998 dans le cadre de la génomique fonctionnelle de la levure. D’abord associée à la notion de diagnostic (on sait depuis très longtemps que la composition de l’urine peut révéler diverses maladies humaines), la métabolomique s’est aussi imposée comme un formidable outil de recherche en biologie végétale.
La métabolomique pour quoi faire ?
Pouvoir explorer la diversité des plantes en faisant l’inventaire de plusieurs dizaines à plusieurs centaines de métabolites est déjà extraordinaire en soi. Mais la métabolomique végétale est bien plus qu’une description de la diversité métabolique.
Elle permet de diagnostiquer la qualité des aliments, notamment sur le plan nutritionnel, mais aussi de rechercher des molécules potentiellement bioactives. Des molécules de défense contre des pathogènes peuvent ainsi être découvertes, ainsi que des métabolites associés à la résistance à la sécheresse, au froid, ou encore à la carence en nutriments.
L’utilisation de la métabolomique en génétique quantitative permet alors d’associer de tels traits métaboliques avec des marqueurs moléculaires, amenant une meilleure compréhension de la manière dont le métabolisme et la performance de la plante s’intègrent et ouvrant la voie à de nouvelles stratégies d’amélioration variétale.
Des progrès récents permettent même de mettre à jour les bases moléculaires de traits quantitatifs en une seule expérience, mais à conditions de pouvoir traiter de très grands nombres d’échantillons grâce à une stratégie de phénotypage métabolique à haut débit. Une autre manière d’utiliser la métabolomique est d’intégrer les données obtenues avec d’autres jeux de données (génomiques, transcriptomiques, protéomiques) à l’aide d’analyses statistiques multivariées, comme par exemple différentes méthodes de clustering. Le but est de parvenir à une vision globale de la manière dont fonctionne le métabolisme, on parle alors de biologie intégrative.
Ainsi, la mise en évidence dans de grandes matrices de données de corrélations entre concentrations en métabolites et expressions de gènes va générer de nouvelles hypothèses quant à la manière dont les métabolites sont perçus et régulés ; hypothèses qui pourront ensuite être testées à l’aide d’approches de génétique inverse.
Dans le domaine émergent de la biologie des systèmes, la métabolomique, en fournissant des données de paramétrage et de validation, devient une étape clé dans l’élaboration de modèles prédictifs des flux métaboliques et de l’accumulation de molécules d’intérêt.
Enfin, les métabolomiciens se sont mis à stocker les données générées, mais aussi toutes les informations ou métadonnées disponibles sur les échantillons à l’étude (taxonomie, organe ou type cellulaire, date de prélèvement, données environnementales et autres détails de l’expérience). En effet, leur utilisation par des approches de « data mining » (forage de données) permettra bientôt de révolutionner l’exploration de la diversité métabolique des plantes en lui donnant cette fois-ci une dimension explicative.
Quelles méthodologies sont utilisées en métabolomique?
La métabolomique privilégie les approches non ciblées (pas ou peu d’a priori sur les molécules qui seront détectées).
Pour l’instant, la grande diversité physico-chimique des métabolites ne permet pas de tous les détecter et/ou quantifier en même temps, il faut donc diversifier les méthodologies d’extraction et d’analyses biochimiques. Ce sont la résonance magnétique nucléaire (RMN) et la spectrométrie de masse (MS) qui constituent aujourd’hui les deux piliers de la métabolomique, offrant toutes deux une large palette d’applications.
La RMN permet de détecter et quantifier des métabolites dans des mélanges complexes avec une grande fiabilité. On l’utilise aussi pour suivre le devenir d’isotopes dans les voies métaboliques. Dans certains cas cette opération peut même être menée avec des cellules ou des tissus vivants. Enfin, la RMN permet de déterminer la structure des molécules. La MS, couplée à la chromatographie en phase gazeuse (GC-MS) ou liquide (LC-MS), présente l’avantage d’être plus sensible que la RMN et malgré une résolution de structure moins performante et une plus faible reproductibilité des résultats, elle permet de « voir » un plus grand nombre de signatures de métabolites. Le développement de spectromètres de masse toujours plus résolutifs permet d’ores et déjà de « voir » jusqu’à plusieurs milliers d’analytes dans un extrait.
Les méthodes non ciblées sont exigeantes lorsqu’il s’agit de transformer les données brutes en concentrations en métabolites, une opération qui requiert des algorithmes sophistiqués, des bases de données et beaucoup d’expertise. Une conséquence importante est que ces méthodes sont relativement lentes. Typiquement, les expériences menées ne dépassent pas la centaine d’échantillons. Dans certains cas on peut cependant travailler directement sur l’allure des spectres (RMN du proton) ou des chromatogrammes de masse (LC- et GC-MS Q-TOF)) en utilisant des analyses statistiques multivariées permettant de distinguer facilement des groupes d’échantillons et des marqueurs de ces groupes pour faire du diagnostic, on parle alors de « fingerprinting ».
Une autre manière d’augmenter le débit d’échantillons sans faire exploser les coûts d’analyse est d’utiliser des approches ciblées. Cette fois-ci ce ne sont que quelques métabolites riches en information qui seront mesurés. La LC-MS/MS (chromatographie liquide couplée à une MS à triple quadrupole dans ce cas) qui permet d’en cibler quelques dizaines mais aussi d’en détecter des quantités très faibles (atomoles) est une technologie très prometteuse.
Enfin, les méthodes classiques impliquant des réactions chimiques ou biochimiques dont les produits peuvent être mesurés par spectrophotométrie, fluorimétrie ou luminométrie se prêtent avantageusement au haut débit. Elles peuvent être menées avec des microplaques où 96, 384 voire 1536 échantillons sont traités en parallèle et se prêtent bien à l’automatisation.
L’ensemble des données générées et des métadonnées associées peuvent être stockées dans des bases de données ouvertes pour être sauvegardées et partagées, et pouvoir être réanalysées par la communauté scientifique.
Les analyses structurales sont-elles nécessaire en métabolomique?
Les analyses structurales servent aux identifications de métabolites et à l’analyse des structures 3D.
Comme indiqué précédemment la RMN bidimensionnelle permet de déterminer la structure de composés inconnus. Cette technique couplée aux informations apportées par la spectrométrie de masse est indispensable à l’étude des métabolites secondaires impliqués dans de nombreux mécanismes.
Cependant l’identification de ces métabolites secondaires, aux structures souvent complexes, suppose dans un premier temps un isolement des composés étudiés. Cette étape longue et couteuse constitue une limitation importante. Le couplage entre chromatographie liquide et spectrométrie RMN permet de s’affranchir de cette limitation. La LC-RMN est un atout pour l’analyse et la caractérisation de ces composés dans des extraits complexes, évitant l’isolement des molécules pour les identifier. La LC-MS permet une première identification des composés présents dans un extrait végétal.
La LC-RMN permet d’identifier les composés non encore identifiés par LC-MS. Le couplage de ces deux techniques permet un gain de temps important en concentrant les analyses par LC-RMN (moins sensibles et plus longues) uniquement aux composés inconnus. Ainsi ces deux techniques complémentaires facilitent l’analyse de mélanges complexes d’extraits végétaux.
La RMN bidimensionnelle couplée à la Modélisation Moléculaire permet également d’analyser les structures 3D des composés étudiés. En effet, la conformation spatiale de ces composés est souvent corrélée à l’activité biologique observée. Ces techniques permettent également d’étudier les interactions entre métabolites secondaires (e.g. polyphénols) et macromolécules (e.g. protéines).
Des liens pour en savoir plus
Plates-formes Métabolome/Lipidome
- Netherlands Metabolomics Centre, Wageningen
- MRC-NIHR National Phenome Centre , Londres
- Metabolomics in the Life Sciences , Birmingham
- Metabolomics Fiehn Lab , Davis
- Kansas Lipidomics Research Center
- Metabolomics NZ, Palmerston, New Zealand
Bases de données Métabolome et autres Outils
- MetabolomeXchange an international data aggregation and notification service for metabolomics
- Human Metabolome Database
- KNApSAcK a comprehensive species-metabolite relationship database
- Mass Bank a high resolution mass spectral database
- MeRy-B a web application, mainly designed to store and analyze plant 1 H-NMR metabolome data
- MetaboAnalyst for metabolomic data analysis
- MetaboLights a cross-species, cross-technique database for metabolomics experiments and derived information
- PubChem
- Scripps Center for Mass Spectrometry
- mixOmics
Newsletters
Initiatives de standardisation des données Métabolome et Métadonnées
- MIAMET: Minimum Information About a Metabolomics Experiment (Jenkins et al. Nature Biotech. 2004)
- SMRS: Standard Metabolic Reporting Structure (Lindon et al. Nature Biotech. 2005)
- XEML Lab (Hannemann et al. Plant Cell Environ. 2009)
- COSMOS EU CA (Salek et al. GigaScience 2013)